dimanche 24 février 2019

Combattre l’antisémitisme, sans complaisance et sans arrière-pensées

La lutte contre l’antisémitisme est une question sérieuse, trop sérieuse pour être laissée aux pompiers pyromanes et aux professionnels de l’instrumentalisation. Telle est la double leçon que l’on peut déjà tirer de la séquence en cours, qui voit se mêler une succession d’intolérables actes antisémites, des indignations nécessaires et légitimes, mais aussi des manœuvres grossières, dont le cynisme n’a d’égal que la dangerosité, qui desservent profondément le combat antiraciste. Article publié sur le site du NPA.
Le 11 février, le ministère de l’Intérieur publiait une statistique inquiétante, indiquant que les actes antisémites étaient en nette progression pour l’année 2018, comparativement à l’année 2017 (+74%). Un chiffre qui a, à juste titre, frappé les esprits (1), de même que plusieurs autres événements concomitants de la publication de ces données : inscription « Juden » sur la vitrine d’un magasin Bagelstein à Paris, saccage des arbres plantés en souvenir d'Ilan Halimi, croix gammées sur des portraits de Simone Veil. À ceux qui en doutaient, cette actualité est venue rappeler que l’antisémitisme n’est pas un démon du passé, mais un mal de notre temps, et qu’il est hors de question de baisser la garde face au poison raciste. 
De l’indignation légitime aux manœuvres politiciennes
La légitime indignation a toutefois été rapidement accompagnée de manœuvres pour le moins grossières, qui confirment que nombre de soldats de la Macronie ne reculent devant aucune dégueulasserie pour stigmatiser leurs opposantEs. Quelques heures après la découverte du tag du Bagelstein, Benjamin Griveaux tweetait ainsi : « En 24h donc : incendie contre le domicile de Richard Ferrand, attaque contre l’assemblée nationale et actes antisémites. » Comprendre : la faute aux Gilets jaunes. Et d’autres de lui emboîter le pas, alors que le tag avait été réalisé la veille de la manifestation, que le restaurant n’était pas sur le trajet de cette dernière, et que son gérant lui-même se refusait à pointer les Gilets jaunes. 
Mais la machine était lancée, et les propos tenus par des manifestantEs une semaine plus tard à l’encontre d’Alain Finkielkraut ont donné un coup d’accélérateur à la sinistre opération d’instrumentalisation. Disons-le tout net : contrairement à d’autres, nous n’avons aucun doute sur le fait que Finkielkraut a bel et bien été l’objet d’une agression antisémite. « Barre-toi, sale sioniste de merde ! »« Rentre chez toi en Israël ! »« La France elle est à nous ! », « Nous sommes le peuple français » : mises bout à bout, ces paroles ne laissent aucune place à la relativisation ou à l’euphémisation, et indiquent que l’emploi du terme « sioniste » n’est ici qu’un substitut au mot « juif », et non une caractérisation politique. Preuve supplémentaire que, même si elles ne sont pas représentatives du mouvement des Gilets jaunes, les idées haineuses des extrêmes droites sont bien présentes dans ce dernier, et doivent être dénoncées et combattues sans aucune complaisance. Rien ne saurait en effet justifier une quelconque indulgence, et surtout pas l’argument – non dénué de condescendance – selon lequel il ne faudrait pas se « couper » des classes populaires et de leurs préjugés – réels ou supposés.
Pour un combat authentiquement antiraciste
Un tel combat ne saurait se confondre avec les lamentables généralisations abusives et indignes tentatives d’amalgames qui ont suivi « l’affaire Finkielkraut », contre le mouvement des Gilets jaunes, contre « l’extrême gauche », contre les « islamo-gauchistes », contre les militantEs de la solidarité avec la Palestine, etc (2). Des cibles désignées par le pouvoir et ses soutiens, par la cohorte des intellectuels réactionnaires, mais aussi par la droite dite « républicaine » et l’extrême droite, cette dernière étant au passage – sinistre signe des temps – épargnée par les critiques et même conviée par Olivier Faure, sans invitation officielle au RN, à se joindre au rassemblement organisé à Paris le 19 février. 
Au-delà de ces lamentables amalgames, on a le droit d’être dubitatif quand on voit aujourd’hui certains délivrer des brevets d’antiracisme, alors même qu’ils pratiquent des politiques inhumaines à l’égard des migrantEs et que toutes leurs politiques antisociales nourrissent le fumier sur lequel prospèrent tous les racismes. Et l’on n’oublie pas ceux qui ont multiplié les propos contre les musulmanEs ou les Rroms, et ont mis en œuvre des mesures racistes, au travers notamment des actions de prétendu « maintien de l’ordre » dans les quartiers. 
Et c’est justement parce que la lutte contre l’antisémitisme est une chose trop importante pour être laissée aux opérations de récupération que le NPA a décidé de ne pas associer sa voix à celles de ces pompiers pyromanes, aussi hypocrites que dangereux, et de signer l’appel « Contre les actes antisémites, contre leur instrumentalisation, pour le combat contre toutes les formes de racisme », lancé notamment par des militantEs et forces de l’antiracisme politique, dont l’Union juive française pour la paix. La haine raciste n’a rien à faire dans nos luttes, et doit être implacablement combattue. Un combat qui ne pourra être gagné que s’il est mené sans arrière-pensée politicienne, sans mise en concurrence des racismes, sans complaisance à l’égard des extrêmes droites. Un combat authentiquement antiraciste. Tant qu’il le faudra. 
(1) Pour comprendre ce chiffre et ne pas céder au sensationnalisme, ces données brutes nécessitent d’être analysées. Lire notamment Jérôme Latta, « Actes antisémites: un pourcentage est-il une information ? », blog Mediapart, 14 février 2019.(2) Lire à ce sujet : « Antisionisme : le jeu dangereux d’Emmanuel Macron »

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