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mardi 17 juillet 2018

Victoire de l’équipe de France : rien à foot ?

Publié sur le site du NPA
Face à l’injonction à l’unanimisme et contre la rhétorique nauséabonde de « l’unité nationale », nous revendiquons le droit d’être « grincheux ». 
« Que certains grincheux enragent parce que le peuple est heureux laisse perplexe. La France est si belle quand elle est heureuse. Cela faisait pas mal de temps que cela n’était pas arrivé. Réjouissons-nous. Simplement. » L’éditorialiste du Parisien (17 juillet) n’y va pas par quatre chemins en intimant à ses lecteurEs de se réjouir, égratignant au passage les « grincheux » qui ne seraient pas enthousiastes devant les images des marées bleu-blanc-rouge qui ont envahi les villes de France le 15 juillet au soir après la victoire de l’équipe de France, et les Champs-Élysées le 16 juillet pour célébrer le « retour des Bleus ». Une injonction à la réjouissance, davantage qu’une invitation, révélatrice d’un phénomène antérieur, qui s’est approfondi à mesure que l’équipe de France de football se rapprochait de la victoire en Coupe du monde, prenant la forme d’une mise en demeure : soyez foot, soyez bleu, soyez France. 
Le droit d’être « grincheux »
Nous revendiquons pour notre part le droit d’être « grincheux ». Non parce que nous « enragerions » devant les images de foules en liesse ou parce que nous serions insensibles à la fête, aux sourires et aux cris de joie. Ni parce que nous détesterions par principe le football, voire le sport en général, que nombre de militantEs anticapitalistes et révolutionnaires pratiquent, entre amiEs ou en club, tout en étant lucides, comme bien d'autres, sur les dérives du sport-compétition, du sport-business et du sport-spectacle. Ni même parce que nous penserions que s’enthousiasmer à l’occasion d’une compétition sportive serait par nature une attitude réactionnaire.  
Nous revendiquons le droit d’être « grincheux » face aux injonctions à l’unanimisme, quelles qu’elle soient et d’où qu’elles viennent, qu’il s’agisse d’être « Charlie » (version tragique) ou d’être « Bleus » (version joyeuse). Des injonctions excluantes, venues de responsables politiques, d’intellectuels ou d’éditorialistes qui s’arrogent le droit de dire ce qu’il convient de faire et de ne pas faire et, plus grave sans doute, qui s’autorisent à tracer une ligne entre les « bons » et les « mauvais » citoyenEs. Des injonctions qui, en outre, participent d’une entreprise de récupération politique aussi discrète qu’un tacle à la nuque, par laquelle ceux qui, le reste de l’année, par leurs discours et leurs politiques, divisent, excluent et stigmatisent, se posent soudain en garants d’une « communauté nationale » au sein de laquelle nous serions touTes sur un pied d’égalité. Des injonctions qui, enfin, caressent et renforcent les préjugés nationalistes, en faisant de « l’unité nationale » une valeur cardinale, transcendante et supérieure à toute autre forme de collectif, discours malheureusement de plus en plus répandu à gauche. 
Contre « l’unité républicaine »
Ce faisant, nous ne confondons évidemment pas l’authentique enthousiasme, aux causes multiples, qui a pu gagner des centaines de milliers de personnes à l’occasion de la victoire de l’équipe de France, et les manœuvres grossières des récupérateurs en tout genre, qui se payent de mots en croyant que les classes populaires, qu’ils méprisent en réalité, leur seraient désormais acquises. Comment ne pas voir que la composition de l’équipe de France, avec ses nombreux enfants et petits-enfants d’immigréEs, peut apparaître en elle-même comme une revanche, aux yeux de catégories de la population victimes de racisme, et notamment du racisme d’État ? Comment ne pas voir que dans une société minée par la violence et la peur de l’avenir, les occasions de faire la fête et d’oublier les soucis du quotidien sont rares, et d’autant plus investies ? Comment ne pas voir, enfin, que l’attitude d’Emmanuel Macron, subitement devenu sélectionneur-entraîneur-joueur-capitaine de l’équipe de France de football, suscite autant, sinon davantage, de railleries que d’adhésion ? 
Et c’est aussi pour cela que nous revendiquons, une fois pour toutes, le droit d’être grincheux. Car nous savons, comme bien d’autres, que patrons et salariéEs, exploiteurs et exploitéEs, expulseurs et sans-papiers… ne forment pas un « peuple » uni et sans contradictions, mais bien une société dans l’ADN de laquelle sont inscrites les inégalités et les oppressions. Car nous savons, comme bien d’autres, que l’illusion de l’ « unité républicaine » chantée par des politiques de tous bords, dont la soudaine philanthropie conduit parfois à se demander quelle pelouse ils ont fumée, doit être implacablement combattue. Et car nous savons, comme bien d’autres, et l’expérience de la fumisterie du « black-blanc-beur » de 1998 l’a prouvé, qu’aucune victoire en Coupe du monde ne règlera les problèmes de racisme, qu’aucun penalty ne réparera les injustices et qu’aucun rassemblement massif sur les Champs-Élysées ne remplacera une mobilisation de masse contre les politiques antisociales du gouvernement. Une mobilisation qu’il s’agit de construire dès la rentrée, touTes ensemble, grincheux ou pas, autour d’un objectif commun : la victoire de notre camp, sans passer par les prolongations. 

dimanche 24 juin 2018

Mickaël Correia : « La pratique du football, qu’il faut différencier du spectacle, est un champ de lutte »

Peut-on être de gauche et aimer le football ? Peut-on aimer le football sans cautionner les dérives du football-business ? Le football peut-il s’abstraire des rapports de forces politiques et sociaux ? Autant de questions qui se posent de manière récurrente, notamment lors de l’organisation de grands événements sportifs comme la Coupe du monde qui se joue à l’heure actuelle en Russie. Pour tenter d’aborder ces questions de manière originale, nous avons rencontré Mickaël Correia, journaliste à CQFD et auteur d’une remarquable Histoire populaire du football (1), qui prend à contrepied une vision « par en haut » de ce sport ultra-populaire, et propose de stimulantes réflexions quant à la place du football dans nos sociétés. Entretien publié sur le site du NPA.  
Ton livre s’appelle « Une histoire populaire du football ». On voit immédiatement la référence à d’autres « histoires populaires », « des États-Unis » chez Howard Zinn, « de l’humanité » chez Chris Harman ou « de la France » chez Gérard Noiriel (qui paraîtra en septembre prochain). Pourquoi as-tu voulu te situer dans cet espace critique en racontant une histoire populaire du football ? 
Je suis convaincu, avec d’autres bien sûr, que l’histoire est un champ de bataille, on le voit bien aujourd’hui avec les figures réactionnaires et caricaturales que sont Lorànt Deutsch et Stéphane Bern, mais aussi que l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs, ou du moins les dominants. Dans le football c’est pareil : il y a une histoire officielle du football, avec les grands championnats, les grands clubs, les grands joueurs, qui est en réalité l’histoire d’un football professionnel, un football d’élite, une histoire servant un football qui est avant tout un divertissement marchand. Ce que je voulais faire moi, c’est une autre histoire, par en bas, qui démontre que la pratique du football, qu’il faut différencier du spectacle, est un champ de lutte : l’histoire du football comme pratique est une histoire d’accaparement, de dépossession, de réaccaparement et, contrairement au discours dominant, c’est quelque chose de très politique, qui a été un vecteur d’organisation collective, de lutte, d’émancipation, etc. Le football a toujours accompagné les luttes sociales, les grands soubresauts de l’histoire, on l’a encore vu récemment avec les « printemps arabes » de 2011 ou le mouvement de la place Taksim en Turquie en 2013. C’est ce que j’ai voulu raconter, ces pratiques, qui sont aussi des pratiques de lutte, pour que le plus grand nombre les connaisse, se les approprie, et pour que l’on s’en inspire.
Comment analyses-tu le désintérêt, voire le mépris qui peut exister dans une certaine gauche par rapport aux sports populaires, et notamment le football ? 
Il faut à ce sujet mobiliser l’histoire, car souvent on la connaît peu. Ce débat sur la place du football dans la société a été posé, au sein du mouvement ouvrier, dès le début du 20e siècle. Pour parler de la France, à l’époque le football est surtout sous le giron du patronat industriel et de l’Église, et le débat va se poser dans le mouvement ouvrier : le football devient un sport populaire, notamment chez les ouvriers, que faire avec ça ? Il va y avoir des débats acharnés, que l’on retrouve même dans les pages de l’Humanité. Certains affirment que le football est quelque chose qui inculque, par nature, la compétition, qui efface les distinctions de classe, tout le monde se retrouvant sous le même maillot, ce qui en fait un outil de contrôle social : au lieu de se syndiquer, de participer aux luttes, l’ouvrier préfère, sur le rare temps libre qu’il a, jouer au football. D’autres gens, parmi lesquels un journaliste de l’Huma, vont expliquer que les ouvriers aimant de toute évidence le foot, la question est plutôt de savoir comment les retirer des griffes du sport corporatiste de l’usine et de l’Église, et comment donner un autre sens politique au football : ce dernier n’est pas nécessairement un outil de contrôle social ou une façon d’apprendre la division du travail, et peut être une bonne école de la coopération, d’apprentissage de la construction et de l’action collectives, du fait de se sacrifier pour le collectif, etc. 
Avec des résultats concrets ? 
Dès 1908, des clubs « rouges » et une première fédération sportive ouvrière vont naître. C’est au départ quelque chose de modeste, une poignée d’équipes de foot, mais petit à petit on va avoir un véritable mouvement ouvrier sportif, qui va d’ailleurs suivre l’évolution du mouvement ouvrier. Lors du congrès de Tours en 1920, le mouvement ouvrier sportif va scissionner en deux, avec une fédération sportive socialiste et une fédération sportive d’obédience communiste. Ces deux fédérations vont regrouper environ 200 équipes de football, qui vont être un important espace de recrutement militant. Faire venir les ouvriers dans ces clubs est un moyen de les politiser, c’est également une manière de mettre en scène la culture ouvrière : maillots rouges et/ou noirs, clubs de foot dans les noms desquels on retrouve les mots « étoile », « travail », socialiste », etc. Lorsque l’on organise des matchs ou des tournois, on arrache les drapeaux bleu-blanc-rouge et on les remplace par des drapeaux rouges, on chante l’Internationale avant les matchs, des discours politiques précèdent et/ou suivent les matchs, etc. 
Et quand je dis que cette histoire suit l’évolution du mouvement ouvrier, c’est très concret en 1934 avec, dans la dynamique du Front populaire et des appels à l’unité face au fascisme, la création de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), issue de la fusion entre l’Union des sociétés sportives et gymniques du travail (USSGT, socialiste) et la Fédération sportive du travail (FST, communiste). Et certains militants vont aller voir leurs camarades en leur disant que l’unité politique est possible puisqu’elle a pu être réalisée dans le sport, au sein d’une fédération qui compte alors plus de 100 000 adhérents.
Et les critiques disparaissent ?
Non, elles existent toujours, et vont connaître un nouveau développement dans les années qui suivent Mai 68, avec notamment des sociologues freudo-marxistes, dont l’un des plus connus est Jean-Marie Brohm, qui vont développer une critique radicale du sport. Ils expliquent que le sport est un nouvel opium du peuple, et que l’idéologie sportive est une idéologie capitaliste et fascisante. C’est une théorie salutaire, très séduisante, qui va irriguer jusqu’à aujourd’hui tous les mouvements de gauche, notamment à propos du caractère aliénant du sport. Et c’est quelque chose que l’on retrouve à une grande échelle, je pense par exemple à la figure du « beauf » de Cabu, du supporter de foot raciste, etc. Cela se développe d’autant plus que la France n’est pas un grand pays de football comme l’Italie, l’Angleterre ou l’Espagne, et qu’on a par ailleurs très peu de figures publiques, d’intellectuels, qui vont affirmer leur amour du foot. À part Camus, Pasolini, Semprun, pas grand monde. 
Penses-tu pour autant que tout soit à jeter dans cette critique ? La dimension aliénante du sport est indéniable, avec l’esprit de compétition, le chauvinisme, etc.
Cette théorie critique est intéressante mais je trouve qu’elle jette le bébé avec l’eau du bain. C’est une confusion entre d’une part le sport-spectacle, le foot-business et, d’autre part, le foot comme une pratique. Car le football reste avant tout une pratique « pauvre » : tu as juste besoin d’un ballon, les règles sont assez simples, etc. Je trouve en outre que d’un point de vue militant, le rejet en bloc du foot est une aberration stratégique et politique : aujourd’hui, l’élément culturel le plus structurant dans les classes populaires et chez les jeunes des quartiers populaires, c’est le football ! Et c’est fou que la gauche ne s’y intéresse pas… Cela a été un des moteurs pour l’écriture de mon livre : le football est un terrain de rencontre, de dialogue, un moyen d’aller discuter avec notamment des jeunes dans les quartiers populaires, un point d’accroche génial. Je considère qu’un coche a été manqué par la gauche dans et depuis les années 1970, qui est à mettre en relation avec l’évolution sociologique de la gauche et même de l’extrême gauche, moins ancrées dans les milieux populaires, davantage issues des classes moyennes.
Mais penses-tu vraiment qu’à l’heure du football-business, des milliards investis dans le football, les processus que tu as décrits concernant la première moitié du 20e siècle pourraient être reproduits ? Même dans les petits clubs amateurs, le football-spectacle a des répercussions sur les aspirations des jeunes qui viennent y jouer, avec cette idée que si tu veux vraiment t’accomplir, il faut aller dans un « grand » club. Comment imaginer des clubs qui proposent un « autre football » dans de telles conditions ? 
En réalité l’autre football existe déjà, et a toujours existé. Il y a pour commencer tout le football en dehors de l’institution, en dehors de la fédération, que l’on connaît peu mais qui est un phénomène massif. On a un regard très européen sur la question, mais si tu regardes le foot dans le monde, c’est quelque chose qui est très largement en dehors de l’institution : au Brésil par exemple, l’endroit où le foot est roi, le foot est avant tout un sport de rue ; il y a plus de 200 millions de Brésiliens, et à peine 2 millions de licenciés dans les clubs, ce qui indique que le football au Brésil, c’est d’abord et avant tout celui qui se pratique de façon sauvage, dans les rues, c’est l’âme même du football brésilien. Le plus grand championnat amateur au monde se déroule là-bas, c’est une compétition ultra-populaire, et même des types comme Neymar viennent d’un foot amateur très particulier qui vient de Sao Paulo. Tu as aussi l’exemple du Sénégal, sur lequel je travaille, avec les « navétanes », un championnat inter-quartiers qui est organisé à l’échelle nationale pendant la saison des pluies, avec plus de 3 500 clubs qui ont 500 000 joueurs affiliés, soit 10 fois plus que la Fédération sénégalaise de football, laquelle essaie, avec son plus gros partenaire Orange, de mettre la main sur ce championnat sans y parvenir car ceux qui l’organisent refusent les logiques commerciales. 
En France aussi, à une moindre échelle, tu as des phénomènes de ce genre : le nombre de licenciés à la Fédération stagne, car il y a un football qui se joue dans la rue, un vrai football populaire. Il faut comprendre que dans des familles pauvres, où il y a pas mal d’enfants, payer des licences à tout le monde ce n’est pas évident, mais c’est aussi que pour certains jeunes, avoir des horaires stricts d’entraînement ça emmerde, etc. Aujourd’hui, le nombre de gamins qui jouent au foot toute la journée, surtout le week-end, en étant complètement hors institution, c’est énorme, tu n’as qu’à regarder la banlieue parisienne… Et dans l’équipe de France aujourd’hui, tu as des joueurs comme Pogba, Dembele, qui ont appris le foot dans la rue, au pied des immeubles.    
Après évidemment, tu vas avoir des modèles issus du star-system qui vont servir de référence, mais après tout le football, c’est une culture de masse, comme le cinéma, la musique, etc., et on sait que même dans les trucs les plus underground du cinéma ou de la musique, on va toujours puiser dans des grands référentiels : le football populaire, alternatif, et le football marchand, ne sont pas deux sphères étanches. Et on voit bien que le football institutionnel va à son tour puiser dans l’imaginaire de la rue, comme les grandes marques d’équipement de sport.
Une dernière question, concernant les supporters et les clubs de supporters. Lorsque l’on regarde les stades, on est obligé de constater que certains clubs de supporters sont de véritables viviers pour l’extrême droite, ce qui est un argument utilisé par les personnes les plus critiques du football. Ce phénomène explique aussi une certaine appréhension, voire un rejet, de la part de gens de gauche, pour lesquels cette implantation de l’extrême droite dans les tribunes serait la démonstration qu’il n’y a pas, bien au contraire, d’essence progressiste du football. S’agit-il d’un phénomène intrinsèquement lié au foot, est-il davantage lié aux conditions politiques, économiques et sociales, ou est-ce que c’est un peu des deux ?  
Un peu des deux en réalité. Dans la culture ultra, mais aussi le mouvement hools, duquel sont issus les hooligans, il y a un attachement au club, et donc à un certain territoire, mais aussi à une certaine identité, la ville, le club, etc. Et c’est certain que ces deux thématiques, territoire et identité, peuvent être facilement tirées à son profit par l’extrême droite, qui peut aisément les manipuler. Et c’est malheureusement ce qui s’est passé. Le mouvement hooligan anglais a été infiltré par les groupes d’extrême droite anglais, néonazis, dès la fin des années 1970, à la faveur de la crise économique et de la politique ultralibérale et répressive de Thatcher. Cela s’est aussi passé en Italie dans le mouvement ultra, avec une infiltration des tribunes par les mouvements fascistes à la fin des années 1990, qui ont fait basculer des tribunes plutôt de gauche, comme à l’AS Roma. 
Pour moi c’est un phénomène très intéressant car les questions d’identité et de territoire sont en quelque sorte des angles morts à gauche, des synonymes de repli, ce que l’on peut comprendre dans une période de délire identitaire et de racisme anti-migrants. Mais l’identité peut aussi être quelque chose de collectif, de très inclusif. Et c’est pareil pour le territoire, qui peut être le support d’un imaginaire politique très intéressant. L’exemple que je donne souvent, un peu pour provoquer, c’est la Zad de Notre-Dame-des-Landes, où il y a vraiment un territoire qui a été défendu, avec un imaginaire politique assez fou, qui a été porteur d’un véritable mouvement social largement soutenu. Alors qu’il s’agissait bien d’une lutte ancrée dans un territoire, mais un territoire ouvert à l’autre, avec l’affirmation d’une identité particulière, mais une identité collective, ancrée dans une histoire sociale, l’histoire des luttes paysannes, etc. Moi je suis supporter du Red Star de Saint-Ouen, et on est attachés à notre tribune, à notre stade, et ce n’est pas anodin, car il est lui-même attaché à une histoire particulière, une histoire sociale, la Résistance, etc. On défend une tribune exempte de répression policière, exempte de comportements racistes, sexistes ou homophobes. On a nous aussi une identité et un territoire à part entière : ce n’est pas un terrain spécialement propice à l’extrême droite, les mouvements de gauche doivent aussi s’approprier cette culture et ces lieux, qui peuvent en outre être des lieux de support mutuel où se développe un imaginaire politique beaucoup plus plaisant que celui de l’extrême droite. 
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(1) Éditions la Découverte, mars 2018, 416 pages, 21 euros.