mercredi 16 décembre 2015

Agression et journalisme imaginaires à Aubervilliers

L’enseignant d’Aubervilliers qui avait prétendu avoir été victime, lundi 14 décembre au matin, d’une agression au cutter, a reconnu dans l’après-midi que celle-ci était imaginaire. Entre-temps, l’emballement médiatique qui a accompagné cette « information » a, de son côté, été bien réel. Une nouvelle démonstration d’un journalisme de meute qui, à la recherche du moindre événement susceptible de faire le « buzz », est prêt à reprendre la moindre information et à la monter en épingle, sans prendre la peine de la vérifier.

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samedi 12 décembre 2015

Que s’est-il passé place de la République (3) ? Informations désinformées sur les violences et les arrestations

Pourquoi revenir encore, après lui avoir consacré déjà deux articles, sur la couverture médiatique du rassemblement de la Place de la République le 29 novembre dernier, alors que l’événement a quitté « l’actualité » ? Tout simplement parce qu’une analyse détaillée de la fabrication des informations permet de mieux comprendre comment elle peut être aussi une fabrication de désinformations.
Dans deux précédents articles nous mentionnions la manière dont le rassemblement du dimanche 29 novembre, place de la République, a été l’objet d’une couverture médiatique partielle et partiale, sans aucune distance vis-à-vis de la version policière des « événements » et concentrée sur le « saccage » du « mémorial aux victimes du 13 novembre ». Qui plus est, les principaux médias ont développé une vision pour le moins faussée des 300 interpellations qui ont eu lieu ce jour là.
C’est sur cette autre dimension de la mal-information que nous entendons revenir dans cet article, que nous avons choisi de publier le jour où d’autres rassemblements contre la Cop21 sont organisés, qui subiront (peut-être) le même type de traitement médiatique.



mardi 8 décembre 2015

Que s’est-il passé place de la République (2) ? Informations désinformées sur le « saccage » du « mémorial »

Dans un précédent article consacré aux « informations désinformées des journaux télévisés », nous posions déjà cette question : « Que s’est-il exactement passé le dimanche 29 novembre 2015 sur la Place de la République à Paris ? » Et nous indiquions : « Pour que l’on puisse s’en remettre aux médias, encore faudrait-il qu’ils disposent des moyens d’observer, d’enquêter de recouper des témoignages, au lieu de s’en remettre à une vision étroitement policière quand ce n’est pas, tout simplement, à la version de la Police. » Or un examen plus détaillé de la fabrication de l’information permet de relever des manquements consternants, mais très significatifs : voilà qui mérite que l’on revienne en détail sur les informations désinformées diffusées par les grands médias, à commencer celles concernant le « saccage » du « mémorial ».



mercredi 2 décembre 2015

Que s’est-il passé place de la République ? Informations désinformées des journaux télévisés


Que s’est-il exactement passé le dimanche 29 novembre 2015 sur la place de la République à Paris ? Pour que l’on puisse se fier aux médias, encore faudrait-il qu’ils disposent des moyens d’observer, d’enquêter de recouper des témoignages, au lieu de s’en remettre à une vision étrangement conforme à la version de la Police. Nous publions ici un bref article traitant des JT de 20h de TF1 et de France 2 le soir du 29 novembre, avant de revenir, dans les prochains jours, sur le traitement médiatique plus global des manifestations, notamment à République.

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lundi 16 novembre 2015

Mon nouveau livre : La Palestine des ONG

Si la question palestinienne demeure, plus de 65 ans après la création de l’État d’Israël, un enjeu géopolitique et diplomatique essentiel, tant à l’échelle internationale qu’à celle d’un Moyen-Orient en pleine déstabilisation, l’idée même d’une solution politique durable n’a jamais été aussi éloignée. 

La faillite du processus d’Oslo a ainsi conduit nombre d’acteurs à substituer à la perspective d’une solution au « conflit » des politiques d’assistance destinées à atténuer les effets de l’occupation israélienne. 

Le rôle des ONG au sein de ce dispositif est essentiel. Dans la mesure où elles contribuent à pallier les déficits du « processus de paix », elles sont un révélateur des tendances générales à l’œuvre dans les territoires occupés. Comment et pourquoi des structures militantes (années 1970-1980) sont devenues des prestataires de services ? Quelle est leur place au sein d’un pseudo-État, et quels sont leurs rapports complexes avec un appareil politico-administratif qui, à bien des égards, leur ressemble ? 

Elles jouent ainsi un rôle fonctionnel essentiel dans l’offensive symbolique qui vise à transformer les Palestiniens, peuple avec des droits, en individus avec des besoins.



Julien Salingue, La Palestine des ONG : entre résistance et collaboration, Paris, La Fabrique, novembre 2015, 224 pages, 12 euros. 

samedi 14 novembre 2015

Vos guerres, nos morts


Fragments


Ce sont les nôtres qui sont morts la nuit dernière.

À la terrasse d’un restaurant, dans un bar, dans la rue, dans une salle de concert.

Les nôtres.

Morts parce que des assassins ont décidé de frapper en plein Paris et de tirer dans la foule, avec pour objectif de faire le plus de victimes possible.

11h30. Sarkozy vient de déclarer : « Nous sommes en guerre ».

Pour une fois je suis d’accord avec lui. Ils sont en guerre. 



Vous êtes en guerre, vous les Sarkozy, Hollande, Valls, Cameron, Netanyahou, Obama. Vous êtes en guerre, vous et vos alliés politiques, vous et vos amis patrons de multinationales.


Et vous nous avez entrainés là-dedans, sans nous demander notre avis.

Afghanistan, Iraq, Libye, Mali, Syrie… Nous n’avons pas toujours été très nombreux à protester. Nous n’avons pas suffisamment réussi à convaincre que ces expéditions militaires ne feraient qu’apporter toujours plus d’instabilité, de violences, de tragédies.

Là-bas, et ici.

Car la guerre n’a pas commencé hier soir. Et elle n’avait pas commencé en janvier lors des tueries de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher. Elle avait commencé bien avant.

En janvier, j’écrivais ce qui suit :

L’une des causes de la sidération qui a touché de larges secteurs de la population, y compris les cercles militants, est la (re-)découverte de cette vérité : oui, la France est en guerre. Une guerre qui ne dit pas toujours son nom, une guerre dont on discute peu dans les assemblées, dans les médias et plus généralement dans l’espace public, une guerre contre des ennemis pas toujours bien identifiés, une guerre asymétrique, mais une guerre tout de même. Les récentes tueries l’ont rappelé de manière brutale à qui l’ignorait, refusait de le voir ou l’avait oublié : la France est en guerre, la guerre fait des morts, et les morts ne se comptent pas toujours chez l’adversaire.

Contre qui la France est-elle en guerre ? Selon les discours et les périodes, contre le « terrorisme international », contre le « jihadisme », contre la « barbarie intégriste », etc. Ce texte n’a pas vocation à discuter de ces dénominations imprécises, des généralisations abusives qu’elles impliquent et des paradoxes qu’elles sous-tendent (alliances à géométrie variable, soutien à des régimes dont les politiques favorisent le développement des courants « jihadistes », participation à des interventions militaires qui renforcent ces courants, etc.). Il s’agit plutôt de souligner que la France a, en réalité, emboîté le pas aux États-Unis de George W. Bush dès septembre 2001 (guerre en Afghanistan, législation « antiterroriste ») et fait sienne, sans toutefois le dire, la rhétorique et la politique du « choc de civilisation ».

Voilà près de 14 ans que la France était en guerre sans l’assumer.

Aucune raison de modifier une ligne de cet extrait. Et dire cela, ce n’est pas manquer de respect aux victimes ou à leurs proches.

L’émotion, l’indignation et la douleur sont évidemment légitimes. Et les assassins qui ont bousillé des centaines, des milliers de vies hier soir, sont inexcusables.

12h. Daech vient de revendiquer. Évidemment. Eux aussi, ils sont en guerre.

D’après l’AFP, citant un témoin présent au Bataclan, l’un des assaillants aurait crié : « C’est la faute de Hollande, c’est la faute de votre président, il n’a pas à intervenir en Syrie ».



On peut fermer les yeux et se boucher les oreilles. Et se laisser enfumer par la rhétorique dépolitisante du « terrorisme aveugle », forcément inexplicable.

Mais les assassins de Paris ne sont pas des pauvres types irresponsables, « fous » ou manipulés par je-ne-sais-quels-services-secrets. On en saura plus dans les heures et les jours qui viennent, mais nul doute qu’ils auront un profil et un discours à peu près similaires à celui des Kouachi et de Coulibaly, à propos desquels, toujours en janvier, j’avais écrit ça : 

Les tueurs ont un discours (voir leurs interviews et vidéos, dans lesquelles ils parlent de la Syrie, de l’Iraq, des offenses faites aux musulmans en France et dans le monde, etc.) ; un corpus théorique (voir notamment l'article publié par Mediapart) ; des références organisationnelles (État islamique, al-Qaeda dans la péninsule arabique).

(…) Ils se pensent, rationnellement, en guerre contre une certaine France, et ils se considèrent, rationnellement, en situation de légitime défense. En témoigne cette déclaration de Coulibaly dans sa vidéo posthume : « Vous attaquez le Califat, vous attaquez l’État islamique, on vous attaque. Vous ne pouvez pas attaquer et ne rien avoir en retour ».

Oui, Daech fait de la politique. Ce sont des assassins, mais ils font de la politique.

Et hier soir ils ont frappé fort, très fort.

Aveuglément ? Oui et non.

Oui, parce qu’ils s’en sont pris à des gens qui ne sont pas directement impliqués dans cette guerre, des gens dont le seul crime était d’être là, des gens qui auraient pu être ailleurs et être encore parmi nous aujourd’hui.

Non, parce que frapper de la sorte, c’est lancer un message : « Votre pays est en guerre contre nous, et tant que cette guerre durera, aucun d’entre vous ne sera en sécurité ».

Ils font de la politique. Détestable, mais de la politique.

Nous vivons dans un monde en guerre. La Russie, la France et les États-Unis bombardent la Syrie. L’Arabie Saoudite bombarde le Yémen. Les « opérations » françaises se poursuivent au Mali. Obama a annoncé que ses troupes ne quitteraient pas l’Afghanistan. 

D’après le Haut Commissariat aux Réfugiés, il n’y a jamais eu autant de réfugiés et déplacés qu’aujourd’hui, et il n’y a aucune raison que les choses s’améliorent.

Le bilan, à l’heure actuelle, est de 128 morts. 128 morts de trop.

Le 13 novembre 2015, 128 morts.

128, c’est beaucoup. C’est effrayant.

C’est presque autant que la moyenne quotidienne des morts en Syrie depuis mars 2011.

Presque autant que la moyenne quotidienne, oui : 250.000 morts depuis mars 2011, ça fait presque 4500 morts par mois, soit près de 150 morts par jour.

Avis au prochain qui nous expliquera qu’il ne comprend pas pourquoi les Syriens fuient vers l’Europe : depuis plus de 4 ans et demi, c’est le 13 novembre tous les jours en Syrie. Et c’est votre nouvel allié Assad qui en porte la responsabilité première, en ayant réprimé sauvagement un soulèvement alors pacifique.   

Nous vivons dans un monde en guerre. Et cela permet à certains de faire des affaires.




La France se félicite de vendre ses machines de guerre à l’Égypte. La France se félicite de vendre ses machines de guerre à l’Arabie Saoudite. La France se félicite de vendre ses machines de guerre aux Émirats arabes unis.

Mais la France s’étonne, s’indigne, s’insurge d’être elle aussi ciblée.

Hypocrisie. Lâcheté. Mensonge.  

Les chiens sont lâchés. Leurs babines écument.



Il va falloir tenir bon.


Toute réponse guerrière, sécuritaire, stigmatisante ou aveugle aux réalités économiques, politiques et sociales de la France de 2015 est non seulement condamnée à échouer mais, qui plus est, un pas supplémentaire vers les tueries de demain.

Nous y sommes. Demain, c’était hier soir.

13h. Cambadélis annonce que « la France en guerre vient de subir une épreuve de guerre ».

Ils disent et ils répètent que la France est en guerre. Mais quand ils disent ça, c’est pour dire « nous sommes en guerre ». Un « nous » dans lequel il voudrait nous impliquer.

Non. 14 ans de votre guerre n’ont apporté, aux quatre coins du monde, que toujours plus de violences, de tragédies, et de nouvelles guerres.

Si l’Iraq n’avait pas été rasé, Daech n’existerait pas.

Paul Valéry disait que « la guerre est un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas ».

Il avait raison. Ce sont toujours les mêmes qui trinquent

Et si on veut que tout ça s’arrête, il va falloir, une fois le choc passé, tout faire pour mettre un terme à cette fuite en avant vers la barbarie généralisée.

Il n’est pas trop tard. Il est encore temps de passer à autre chose. Radicalement.

En refusant l’injonction « avec nous, ou avec les terroristes ».

En refusant les appels à l’unité avec les bourreaux et les fauteurs de guerres qui construisent chaque jour un monde plus barbare.

En refusant leur monde fondé sur l’exploitation, le vol, la violence, l’injustice, les inégalités, la mise en concurrence de ceux qui devraient s’unir.

Se battre pour un autre monde, qui est non seulement possible, mais plus que jamais nécessaire. 

Garder le cap et ne rien concéder sous la pression de l’émotion ou de la sidération.

Tu pourras me taxer d’angélisme si tu veux. Mais mon angélisme n’a jamais tué personne. Contrairement à ton « pragmatisme ».  

Il est plus que jamais temps de « résister à l’irrésistible ». Sinon on va tous y passer.

Alors, non, Cambadélis. Non, Sarkozy. Non, Hollande. « Nous » ne sommes pas en guerre.

Ce n’est pas ma guerre, ce n’est pas notre guerre. C’est votre guerre.

Et une fois de plus, ce sont nos morts. Comme à Madrid en 2004, comme à Londres en 2005, comme en Égypte il y a quinze jours, comme à Beyrouth cette semaine.

Et comme partout où vous semez la terreur.

Vos guerres, nos morts.

Vos guerres, no more.