Le 3 octobre, Olivier Besancenot et François Ruffin étaient invités par le collectif Le temps des lilas pour discuter du protectionnisme. Signe de l’intérêt porté à ce débat, plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées à la Générale, dans le 11e arrondissement de Paris, durant plus de deux heures. Retour sur certains enjeux de ce débat, sans évidemment prétendre le résumer.
L’objectif était clairement affiché par Le temps des lilas : « Aller au-delà des oppositions les plus évidentes, et essayer de voir comment à gauche ces deux options peuvent dialoguer, voir s’il est possible, dans la volonté commune de remettre en cause le capitalisme, de trouver un terrain d’entente, voire des positions communes, qui nous permettraient de faire avancer ce débat au sein de notre camp ».
La « part de responsabilité » du NPA dans la montée du FN
Des intentions louables quand on sait que le protectionnisme est non seulement une question qui agite la gauche, a fortiori depuis que Jean-Luc Mélenchon en a fait un axe de campagne, mais aussi une question qui donne lieu à bien des raccourcis et des caricatures.
Difficile cependant, et le mérite des organisateurEs n’est pas ici en cause, de ne pas ressentir de la frustration, pour ne pas dire de la déception, à l’issue de la discussion entre Olivier et François Ruffin. Le moins que l’on puisse dire est en effet que ce dernier, loin d’avoir joué le jeu du « dialogue », s’est montré particulièrement virulent, et a refusé avec obstination de trouver un quelconque terrain d’entente.
Dès son introduction, François Ruffin a ainsi sonné la charge : « Notre gauche a loupé un coche pendant très longtemps, et elle a précipité les gens vers le Front national, et là, je le pense et je te le dis, je pense que tu as une part de responsabilité, que le NPA a une part de responsabilité car il fut un temps où notre gauche c’était le NPA, et c’était toi ». Pas besoin de lire entre les lignes pour comprendre : en ne se saisissant pas de la question du protectionnisme, Olivier et le NPA sont coresponsables de la montée du Front national.
La « concurrence étrangère », notre ennemi ?
Nous n’avons pas raison sur tout et nous ne prétendons pas avoir des solutions à tous les problèmes, qu’ils soient locaux, nationaux ou internationaux. Et s’il est évident que le FN a prospéré sur les échecs et les renoncements du mouvement ouvrier, l’accusation telle que la formule François Ruffin est pour le moins fantaisiste, sinon grossière. Il s’agit en effet d’insinuer que c’est en défendant une certaine forme de protectionnisme, et donc, force est de l’admettre, en défendant l’existence de frontières nationales, que l’on combat le… nationalisme.
Comme l’a en effet rappelé Olivier, le protectionnisme, et ce quel que soit l’adjectif qu’on lui accole (« de gauche », « solidaire », etc.), est en dernière instance une politique destinée « à protéger l’économie d’un pays contre la concurrence étrangère » (Larousse). Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur celles et ceux qui défendent, à gauche, des mesures protectionnistes, mais de souligner le fait que de telles revendications contribuent à alimenter le postulat selon lequel la « concurrence étrangère » serait l’ennemi des travailleurEs en France. Et sans un certain nombre de garde-fous, les meilleures intentions peuvent produire des effets délétères.
Les bonnes intentions ne font pas tout
Olivier l’a répété : s’il a accepté le débat, c’est parce qu’il s’agissait d’un débat « interne à la gauche », et parce que François Ruffin cherche, comme nous, des solutions pour lutter contre les politiques antisociales et antiouvrières. Pour le nouveau député de la FI, la conversion au protectionnisme s’est ainsi faite, comme il l’a rappelé, non par chauvinisme mais en raison des dégâts économiques et sociaux engendrés par les délocalisations : « Pourquoi on ne met pas des barrières douanières pour faire que les produits qui rentrent soient taxés et qu’on puisse ne pas subir cet espèce de chantage permanent ? »
Mais les bonnes intentions ne font pas tout, et l’on ne peut qu’être inquiet face aux silences de François Ruffin alors qu’Olivier lui tendait des « perches » sur des convergences possibles pour lutter contre les délocalisations (avec par exemple l’arrêt des subventions aux licencieurs), mais aussi face à son absence de réponse sur les questions d’ouverture totale des frontières aux migrantEs. On peut avoir des nuances, voire des divergences, sur certaines mesures économiques, mais si l’un des objectifs est de faire reculer le FN, pourquoi ne pas prendre position sur des revendications antiracistes élémentaires ? Et pourquoi s’être senti obligé de défendre Jean-Luc Mélenchon lorsqu’Olivier a rappelé ses déclarations hostiles à la liberté de circulation et d’installation ?
Dans son introduction, François Ruffin affirmait que « le protectionnisme n’est pas une solution mais un moyen », tout en précisant qu’il s’agissait de « la condition nécessaire à ce que l’on puisse avoir un projet politique, le truc qui permet que peut-être on avance ». Est-ce à dire que ceux qui s’opposent au protectionnisme n’ont pas de projet politique, voire qu’il est impossible d’avancer avec eux ? Finalement, le concept de « protectionnisme solidaire » ne subordonne-t-il pas les solidarités… au protectionnisme ?
Pour lever les malentendus, la discussion mérite d’être poursuivie avec celles et ceux qui souhaitent qu’elle soit constructive, et nous ne doutons pas que c’est aussi – et surtout – dans l’action que nous aurons l’occasion de faire la part des choses entre ce qui est du domaine de la divergence et ce qui résulte de l’insurmontable désaccord.
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