jeudi 7 septembre 2017

Loïc (Jolie Môme) : « Le patronat entend bien dicter la politique du pays, et il ne supporte aucune contestation »

Entretien. Loïc, de la compagnie Jolie Môme, a répondu à nos questions à l’occasion de son procès, suite à une plainte déposée par le Medef, prévu le 11 septembre prochain et finalement reporté. Entretien publié sur le site du NPA.
Peux-tu nous rappeler pourquoi tu devais passer en procès le 11 septembre ?
Le 7 juin 2016, avec les intermittents, avec aussi des opposants à la loi travail, en particulier des gens de Nuit debout, on s’est rendu au siège du Medef, à l’occasion d’une réunion qui devait parler de fiscalité, et où on savait que l’on trouverait le numéro 1 et le numéro 3 du Medef. On voulait donc aller porter notre opposition à la politique du Medef, qui était alors en train de bloquer complètement l’accord obtenu par les travailleurs du spectacle, et comme en plus ils poussaient derrière la loi travail, cela faisait de nombreuses bonnes raisons de leur rendre une visite, déterminée mais pacifique. Une fois qu’on était sur place, le directeur de la sécurité, donc un cadre du Medef, a tout fait pour envenimer la situation, insultant les occupants, arrachant l’appareil photo de l’une d’entre nous, etc. Ça a dégénéré et il a fini par me mettre un coup dans les testicules et, se rendant compte de sa connerie, et même de son délit, il court dans son bureau et il appelle la police, m’accusant moi de lui avoir mis un coup. 
Et c’est le début de l’affaire. 
Voilà. Bon, c’est une pratique malheureusement courante d’accuser autrui d’avoir fait ce que l’on a fait soi-même, mais là ça a comme conséquence 48 heures de garde à vue, une grosse mobilisation de soutien puisqu’il y aura des manifestations pendant deux jours devant les commissariats où on me trimballe pendant cette garde à vue, et un procès désormais plusieurs fois reporté. La première fois l’instruction était tellement incomplète et tellement à charge contre moi, sans avoir entendu mes témoins, sans avoir regardé les enregistrements des caméras de vidéosurveillance du Medef… que la juge a dit qu’on ne pouvait pas juger en l’état. Et là, de nouveau un report puisque le 11 septembre s’est transformé en date pour fixer une date d’audience alors que ce devait être le « vrai » procès, après que l’instruction a été entièrement refaite, confiée à de nouveaux enquêteurs. On s’attendait vraiment à ce que ce soit le dénouement de cette affaire, qu’on obtienne enfin la relaxe, et qu’on puisse enfin, par la suite, faire condamner le directeur de la sécurité du Medef contre lequel j’ai porté plainte pour dénonciation calomnieuse. Une plainte qui a été difficile à déposer, plusieurs commissariats refusant de l’enregistrer, mais elle est désormais instruite.
Donc ce report annoncé, ça ne te satisfait pas j’imagine. 
Non, car non seulement on attendait le dénouement de l’affaire, mais en plus on a organisé toute une campagne de mobilisation en vue de la date du 11 septembre. Pour nous, il est clair que la plainte du Medef est une plainte politique, et que donc ce procès est un procès politique, et on a donc voulu organiser une mobilisation politique pour non seulement dénoncer les violences physiques et aussi les violences sociales du Medef, mais également l’ensemble de la répression qui s’abat sur les militants depuis près de deux ans, avec la mise en place de l’état d’urgence. Une répression qui s’est accentuée avec le mouvement contre la loi travail, avec la répression contre les quartiers populaires, avec la répression contre ceux qui tentent d’aider les réfugiés qui arrivent en France, etc. Ce sont tous ces points que l’on voulait évoquer, et il se trouvait que la date du 11 septembre, veille de la grande mobilisation contre la loi travail, était un moment particulièrement propice à l’organisation d’un rassemblement politique contre la répression, au côté de militants politiques, syndicaux, associatifs, de toutes celles et de tous ceux qui n’ont pas l’intention de renoncer à se battre, de toutes celles et de tous ceux qui subissent la répression, des poursuites, etc. 
En plus ton cas est très « spécial », car si on entend souvent dans les manifestations « Police nationale, police du capital », toi c’est directement la sécurité du patronat qui t’a violenté…  
Oui, mon procès est emblématique parce que c’est directement le patronat qu’on a en face de nous, donc c’est évident que moi je préfère avoir un cadre du Medef qu’un simple vigile ou un simple policier en face au procès. Au moins politiquement les choses sont claires, le patronat ne supporte aucune contestation, il entend bien dicter la politique du pays, et il ne supporte pas que l’on tente, que ce soit nous les intermittents ou d’autres secteurs d’activités, de nous opposer à sa politique. Le patronat nous fait violence à longueur d’année, et au moindre signe de contestation il s’estime légitime non seulement pour frapper, mais aussi pour nous poursuivre et nous réprimer, pour utiliser la police et la justice à son profit. Le tout sans aucun scrupule, et on comptait bien sur l’audience du 11 septembre pour le démontrer, donc on le démontrera le jour auquel l’audience sera reportée. 
Et la suite, maintenant, c’est quoi ? 
Alors là c’est compliqué car il y a tout un travail de « dé-mobilisation » à faire, car il faut maintenant avertir tous les gens qui avaient prévu de venir le 11 que ce sera juste une audience pour fixer une nouvelle date d’audience, donc on envoie un communiqué dans lequel on annonce tout ça et où on prévient que sur place on organisera un petit-déjeuner pour les gens qui n’auront pas eu l’information, puis un point presse à la sortie de l’audience pour annoncer la nouvelle date et la suite des événements. On va profiter de ce moment-là pour s’inscrire et renforcer la dynamique du 12 septembre, et de ses suites, car on pense que l’opposition à la loi travail XXL est nécessaire pour construire l’opposition à la politique du patronat. Il est clair et explicite que le Medef et le gouvernement vont dans la même direction, donc pour nous la mobilisation du 12 fait partie de cette lutte commune à mener, de même que toutes les mobilisations contre l’état d’urgence, en soutien aux personnes réprimées, on pense à tous ceux qui vont passer en procès dans les semaines qui viennent car ce n’est pas fini, notamment l’histoire de la voiture de police brûlée à Paris où le dossier semble bien vide… Pour nous la dynamique reste la même : se mobiliser contre le Medef et son monde, et contre la répression dont sont victimes aussi bien les militants que les habitants des quartiers populaires. 

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