samedi 20 août 2016
mercredi 10 août 2016
Quand l’extrême-droite pro-Israël chasse en meute sur Twitter
Le billet qui suit relate la sympathique expérience que j’ai
vécue ces derniers jours avec de bruyants partisans de l’État d’Israël. Un
exemple de la façon dont cette extrême-droite, pas moins nocive et
pas moins virulente que d’autres extrêmes-droites plus médiatisées, chasse en meute
pour essayer d’intimider, insultes et menaces à l’appui, celles et ceux qui « osent »
critiquer publiquement la politique israélienne.
1) Comment j’ai
découvert que j’étais un nazislamiste antisémite
Ce n'est pas la première fois que la meute me tombe dessus. Cela arrive en général après la publication d'un article, d'une interview, ou après une intervention télé ou radio. Mais cette fois-ci, tout a commencé avec un tweet, publié le 3
août :
Une façon comme une autre d’exprimer un point de vue sur la
multiplication, au cours des dernières semaines, des références au
« modèle israélien » de lutte contre le terrorisme, qu’elles viennent
de responsables politiques ou d’ « experts » médiatiques nous
vantant les mérites de l’État d’Israël.
Un tweet qui, de toute évidence, n’a pas été du goût de
certains partisans de l’État d’Israël (ce qui peut se comprendre), qui ont tenu
à me le faire savoir… à leur façon :
Etc.
Soit, en 24h, plusieurs dizaines de tweets-interpellations
qui m’ont permis de découvrir que j’étais : « antisémite »,
« islamo-gauchiste », « collabo du nazislamisme »,
« facho de gauche » et adepte du « modèle jihadiste ».
Entre autres.
Je le concède : j’ai répondu, parfois sur un ton
ironique, à certains de ces commentaires tout en finesse, ce qui semble avoir
encouragé leurs auteurs à me « relancer » (toujours avec autant de
subtilité). Mea culpa ? Ou pas.
On connaît la chanson : « Don’t feed the
troll ». Autrement dit, il ne sert à rien de remettre dix balles dans la
machine lorsque l’on se fait alpaguer de la sorte sur les réseaux sociaux, il
faut laisser courir, ceux d’en face se fatigueront d’eux-mêmes. Un conseil souvent judicieux, mais qui ne suffit pas toujours et qui, dans certains cas, exige d'accepter de se faire insulter et menacer sans réagir.
Au bout de 24h, j’ai tenté autre chose, avec ce
message :
Force est de constater que cela semble avoir plutôt bien
fonctionné et que mes nouveaux amis m’ont laissé un peu respirer. Peut-être que
le message n’y est pour rien, et qu’ils s’étaient déjà lassés. Peut-être un peu
des deux. Bref, fin du premier acte.
2) « Répondez à
ma question, c’est un ordre ! »
Acte II, le 9 août, avec un autre tweet, « adressé » à Éric
Ciotti :
Pas besoin d’explication de texte, je crois.
Et de nouveau, certains fans de l’État d’Israël n’ont pas
apprécié, avec une petite variante cette fois, puisqu’il s’est agi de « répondre »
en centrant le tir sur… le Hamas :
(le lien renvoie vers le texte de la Charte du Hamas sur Wikipedia)
Ce qui m’a valu un passionnant échange avec Europe Israël
qui, tenez-vous bien, après m’avoir sommé de condamner le Hamas, a fini par m’« accuser » de « qualifier » le Hamas de
« mouvement de résistance islamique » :
« CQFD ». On ne sait si l’on doit rire ou pleurer
devant cet exploit consistant à « accuser » quelqu’un d’appeler le
Hamas… par son nom. « Hamas » n’est en effet rien d’autre que l’acronyme
de Harakat Al-Muqâwama Al-Islâmiyya
qui signifie « Mouvement de (la) résistance islamique ».
Citer le nom d’un mouvement n’est pas reprendre à son compte
ce que ce mouvement prétend être, ou alors tous ceux qui ont, par exemple,
écrit au sujet du « Rassemblement Constitutionnel Démocratique »
(RCD) tunisien, parti du dictateur Ben Ali, pourraient être accusés d’avoir
voulu masquer la véritable nature du régime de Tunis…
Vous avez dit absurde ?
Ce n’est toutefois pas tant le contenu – si l’on parler de
« contenu » – qui importe ici, mais plutôt la méthode – pas très
originale – employée :
a) Détourner la conversation en évitant soigneusement de
parler du sujet de départ : la condamnation, par Amnesty international, de
la pratique, par Israël, de la « détention administrative ».
b) Choisir soigneusement quelle est « la »
question essentielle, quitte à se répéter :
Soit quatre fois la même question en un peu plus de 30
minutes. Question à laquelle j’ai refusé de répondre sur Twitter, en renvoyant
à mes diverses publications (livres et articles) sur le sujet et en invitant
mes interlocuteurs à les lire pour y trouver des réponses de plus de 140
signes.
c) Tirer des « conclusions » d’un
« débat » que l’on a soi-même mis en scène :
« CQFD » (bis).
3) Et alors ?
Mais pourquoi perdre son temps avec ces gens ? Nombreux
sont ceux qui m’ont posé la question, et qui se la posent peut-être à la
lecture de ce billet. Le problème est simple : Europe Israël (à l’instar
de quelques autres, j’y reviendrai) n’est pas un groupe marginal, avec quelques
dizaines de followers. À l’heure où ces lignes sont écrites, ils sont au nombre
de 7389. Ce n’est pas énorme, mais cela n’est pas négligeable, et ce genre de
mise en scène encourage bien d’autres courageux « Twittos », bien
cachés derrière leur anonymat, à se joindre à la partie.
C’est le cas d’« Avner » (@IsraelJeTaime), suivi
par 7886 personnes, qui n’y est pas allé par quatre chemins :
Etc.
Soit, en quelques tweets, injures, insultes et menaces.
(c'est un de mes préférés celui-là)
Etc. (Et encore, je vous épargne les messages les plus vulgaires)
En 24 heures, j’ai donc eu le douteux privilège de
« recevoir » plusieurs centaines de tweets injurieux, insultants,
menaçants, de la part de dizaines de twittos plus inventifs et subtils les uns
que les autres. Et nombre de ces comptes sont suivis par des milliers de
personnes, ce qui se ressent dans le volume de « messages » que j'ai reçus. À
l’heure où j’écris ce texte, cela continue et les notifications pleuvent :
la meute est lâchée et s’en donne à cœur joie.
Le point commun entre tous mes nouveaux amis ? Ils se sont engouffrés dans un « échange » dont ils ne connaissent probablement
pas les origines, n’ont sans doute aucune idée de qui je suis, n’ont
certainement pas lu un seul de mes articles ou de mes livres, mais
qu’importe : courageusement retranchés derrière leur confortable anonymat,
ils éructent.
4) L’extrême-droite :
une grande famille
Ce billet ne se veut pas une analyse, mais plutôt un
témoignage de ce à quoi s’exposent celles et ceux qui « osent »
critiquer Israël et sa politique et qui se retrouvent dans le viseur de la
meute. Une meute, qui cible les mêmes personnes en même temps, qui joue la
surenchère dans l’intimidation et les insultes, au sein de laquelle les gens se
citent entre eux, se répondent et se retweetent :
(là c'est un combo : c'est un retweet de retweet)
Évidemment, tout ceci n’est rien comparé à des bombes au
phosphore blanc, un internement sans procès ou la destruction de sa maison. Il
n’en demeure pas moins que je ne suis pas de ceux qui considèrent que ces pratiques,
qui oscillent entre intimidation, injures publiques et menaces, doivent être
passées sous silence.
Coïncidence, ou pas, cette chasse en meute fait
indéniablement écho à une autre chasse dont j’avais été l’objet en décembre
2013, de la part d’Alain Soral et de ses amis. Je renvoie ici à l’article
que j’avais écrit à l’époque, en me contenant de souligner à quel point les
ressemblances sont nombreuses : même phénomène de meute, même méthodes de
« discussion », même propension à l’invective, à l’injure et la
menace, même ton (qui se veut) intimidant, mêmes jeux de mots douteux sur le
nom de famille, mêmes « attaques » sur le physique ou sur la famille… Finalement, la
seule différence est que dans le cas que j’évoque aujourd’hui, l’islamophobie
remplace l’antisémitisme. Mais sinon, aucun doute : c’est bonnet blanc et
blanc bonnet.
Voilà qui surprendra peut-être ceux qui ne se sont jamais
intéressés de près aux méthodes des partisans les plus acharnés de l’État
d’Israël. Il n’y a toutefois rien d’étonnant là-dedans, et les convergences
vont en réalité beaucoup plus loin.
Si l’on s’intéresse par exemple aux récents retweets
d’Europe Israël, les choses sont assez limpides :
Soit à peu près tout ce qui se fait de mieux dans ce que
l’on a coutume d’appeler la « fachosphère » : identitaires, fans
du FN, théoriciens du « grand remplacement », islamophobes patentés,
etc.
Convergences assumées par Europe Israël lorsqu’ils sont
interpellés sur ces accointances :
Autres exemples de ces convergences chez d’autres de mes
nouveaux amis, comme « Avner », qui retweete, entre autres, Florian
Philippot ou le sympathique FrDesouche :
Ou encore « KTY LEV », qui trouve l’inspiration
chez Gilbert Collard :
Et même du côté… d’Égalité et Réconciliation (en retweetant
« @islamicide », tout un programme…) :
Etc.
Notons ici, même si ce n’est pas l’objet de ce texte, que
cette convergence entre l’extrême-droite « classique » et
l’extrême-droite pro-Israël, forgée dans une détestation commune de
l’Islam et des Musulmans, n’est pas accidentelle, et les cas relatés ci-dessus ne
sont malheureusement que la partie visible d’un iceberg menaçant.
***
Comme précisé plus haut, ce billet n’a pas de prétention
analytique, mais est avant tout un témoignage. Je ne suis ni le premier, ni le
dernier, à être ciblé par la meute des fervents partisans d’Israël, et je ne
suis pas davantage le premier à témoigner de cette expérience pas toujours très
agréable mais qui, en ce qui me concerne, ne m’empêchera pas de continuer à
dire ce que j’ai à dire.
Probablement galvanisés par l’impunité dont jouit l’État
d’Israël, ces courageux petits procureurs anonymes se croient tout permis et
n’hésitent pas, parfois, à passer à l’acte, comme on a pu le voir à plusieurs
reprises avec les nervis de la Ligue de Défense Juive. Un phénomène qui dure,
et dont la condamnation reste malheureusement confinée à quelques personnalités
ou organisations du mouvement de solidarité avec la Palestine, sans véritable
écho, ou alors très ponctuel, dans les « grands médias » ou chez les adversaires déclarés de l’extrême-droite.
Il serait en effet temps que tous ceux qui dénoncent
régulièrement (et à juste titre) les méfaits de la « fachosphère »
et, plus généralement, les phénomènes de harcèlement en meute dont
l’extrême-droite est coutumière, prennent la mesure du fait que la composante
pro-Israël de l’extrême-droite est aujourd’hui parmi les plus actives et les
plus néfastes, et que l'une de ses spécificités, et de ses forces est de pouvoir se revendiquer de la légitimité et du soutien d'un État.
Un État au sujet duquel, rappelons-le pour ceux qui auraient du mal à nommer les choses, l’historien
israélien Zeev Sternhell, spécialiste internationalement reconnu de
l’extrême-droite et des fascismes, écrivait, dès
2013, ce qui suit :
« Quand on compare
l’Europe et Israël en 2013, il est difficile d’échapper à la conclusion qu’au
nombre des États occidentaux, celui où l’extrême-droite est la plus puissante
(jusqu’à s’y trouver au pouvoir) et où la gauche est la plus faible, est
Israël. (…) Et il est plus difficile encore d’échapper à la conclusion que la
droite israélienne – du Likoud et d’Israël Beïtenou à HaBaït haYehoudi –
distance de très loin la droite du Front National de Marine Le Pen. Comparée à
la plupart des membres du gouvernement et de la Knesset, cette dernière
ressemble à une dangereuse gauchiste. »
J.S., le 10 août 2016.
PS : À toi qui m'as envoyé des messages sympathiques en voyant que j'étais aux prises avec la meute, merci.
PPS : À toi, courageux anonyme membre de la meute, si tu lis ces lignes c'est que tu es capable de lire plus de 140 signes. Alors n'hésite pas à lire mes articles, voire mes bouquins consacrés à la question palestinienne : ça t'évitera de raconter n'importe quoi à mon sujet.
mardi 9 août 2016
Sur le traitement médiatique de la mort d’Adama Traoré : interview sur Clique
Adama Traoré est décédé le 19 juillet dernier,
suite à son interpellation par les gendarmes de Beaumont-sur-Oise, dont les
circonstances restent floues. Sa mort ainsi que les manifestations de soutien
en sa mémoire ont été quasiment passées sous silence dans les grands médias, et
notamment sur la télévision du service public. Julien Salingue, docteur en
Science politique et co-animateur d'Acrimed, a co-écrit avec Pauline Perrenot,
un texte dénonçant le sous-traitement de la mort du jeune homme. Pour Clique,
le politologue revient sur le traitement des violences policières en banlieue
dans les médias dominants, et réagit aussi à la recrudescence des idées
xénophobes chez les intellectuels habitués des médias lors de ces derniers
mois.
lundi 8 août 2016
Les jeux de l’été d’Acrimed : tweeté ou pas tweeté ?
Après notre « Champions
en titres » (cuvée 2016), voici le deuxième jeu de l’été
d’Acrimed. Le principe est simple : Saurez-vous retrouver les messages
réellement tweetés par vos éditocrates préférés ?
Ce questionnaire
est l’un des jeux de l’été publiés dans le
numéro 20 de notre magazine Médiacritique(s).
mercredi 3 août 2016
JT de France 2 : bref, Adama Traoré est mort
Le 19
juillet 2016, Adama Traoré, jeune homme noir de 24 ans, est mort à la suite de
son interpellation par la gendarmerie, à Beaumont-sur-Oise, dans des conditions
encore indéterminées. Le 30 juillet, au soir d’un rassemblement exigeant
« justice et vérité », appelé par la famille du défunt et ayant réuni
entre 600 et 1000 personnes sur le parvis de la Gare du Nord de Paris, le JT de 20h de France 2 consacre seulement
23 secondes au sujet. Un temps court, mais suffisamment long pour diffuser des
contre-vérités.
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