Madrid, 15 mai 2011. Wikimedia Commons. |
L’année 2011 s’était ouverte avec les soulèvements tunisien et égyptien, qui inspirèrent rapidement d’autres populations de la région. Mais au-delà de la zone Moyen-Orient-Afrique du Nord, d’autres s’emparèrent des « printemps arabes », d’abord pour exprimer leur solidarité avec les peuples en lutte, mais aussi pour se mobiliser à leur tour, en écho aux premiers soulèvements de l’hiver.
Des IndignéEs à Occupy Wall Street
On pense ici entre autres au mouvement des places, ou des IndignéEs, en Europe, avec notamment la spectaculaire mobilisation du 15 mai 2011 à Madrid. En octobre 2011, l’universitaire Bertrand Badie expliquait ainsi (lemonde.fr, 26 octobre 2011) : « La correspondance est forte. Dans le temps d’abord. Le "printemps arabe" s’amorce en décembre 2010, et les premiers frémissements d’un mouvement des "indignés" s’observent au Portugal et en Grèce dès mars 2011 pour gagner toute leur visibilité à partir du 15 mai en Espagne. Dans les formes, ensuite. On retrouve dans les deux cas le même rejet explicite de toute organisation partisane des mobilisations, la même méfiance à l’égard des professionnels de la politique quels qu’ils soient, le même scepticisme à l’égard des idéologies… »
Et l’on pense également au mouvement Occupy, avec notamment sa principale déclinaison à Wall Street, lancé en septembre 2011, qui affirmait alors sur son site : « Nous sommes les 99 % de la population qui ne tolérons plus la rapacité et la corruption des 1 % restants. Nous nous servons des tactiques révolutionnaires du Printemps arabe pour arriver à nos fins et nous encourageons l’usage de la non-violence. »
Un mouvement mondial « synchronisé mais non coordonné »
Même si les mobilisations ont pris des formes diverses et ont connu des trajectoires très différentes, entre autres en raison des contextes socio-politiques nationaux, les phénomènes d’identification se sont reproduits et amplifiés au cours des années qui ont suivi, avec le développement d’un mouvement mondial « synchronisé mais non coordonné », selon la foule de notre camarade Dan La Botz, remettant en cause le capitalisme néolibéral-autoritaire : « Quand les Catalans sont allés bloquer l’aéroport de Barcelone le 14 octobre [2019], ils ont affirmé s’inspirer des méthodes de Hong Kong. Qui en retour a vu s’afficher, par solidarité, le 24 octobre [2019], en plein centre-ville, des centaines de drapeaux catalans brandis par des manifestants pour dénoncer "le même destin tragique" » (1). Gilets jaunes au Liban ou en Irak, parapluies à Paris, masques de Guy Fawkes, de Dali ou du Joker un peu partout, techniques de résistance à la répression qui voyagent de l’Égypte aux États-Unis, de Hong Kong au Chili : des révoltes interconnectées, qui se regardent, se nourrissent et se soutiennent symboliquement, face à des gouvernements adeptes des mêmes politiques austéritaires et répressives.
Dix ans après, nous ne devons pas l’oublier : les soulèvements arabes de l’hiver 2010-2011 furent, alors que les effets désastreux de la crise de 2008-2009 se faisaient de plus en plus sentir, l’expression de la possibilité, et même de la nécessité, de se révolter contre un ordre injuste, et une source d’inspiration et de fierté pour les oppriméEs et les exploitéEs du monde entier. À l’occasion du dixième anniversaire de ces soulèvements, le meilleur hommage que l’on puisse rendre aux insurgéEs martyrs et à toutes celles et tous ceux qui continuent de se battre dans l’adversité, est de demeurer intransigeants quant à notre anti-impérialisme, notre internationalisme et notre solidarité avec les peuples en lutte, mais aussi et surtout d’amplifier notre combat, ici et maintenant, pour un monde meilleur.
(1) Nicolas Bourcier, « Algérie, Liban, Irak, Chili, Hongkong... La contestation est mondiale », lemonde.fr, 8 novembre 2019.
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